221 : c'rocky'gnoles.11 [figue>lisboa]

[figue]
Grimpé tout en haut de l'énorme figuier, genoux écorchés, bras et jambes chatouillés de fourmis, il ne quitte pas des yeux la bourse tentatrice, charnue, à la peau violine déjà éclatée ; il tend la main, cueille avec délicatesse le fruit si fragile : le jus collant coule sur ses doigts, une giclée de salive lui emplit la bouche ; lentement il mord le fruit succulent qui fond sur sa langue, ferme les yeux, oublie la rentrée, si proche pourtant.

[égoïsme]
Plus les années passaient, plus il s'apitoyait sur la souffrance des vieillards dont il avait à s'occuper ; égoïsme en vérité : n'est-ce pas sur sa souffrance à venir qu'il s'apitoie ainsi ?

[vendredi]
Le restaurant est renommé pour la qualité de sa viande ; nous étions vendredi : en bonne catholique, il eut fallu qu'elle prenne du poisson ; elle se sentit absoute dès lors qu'elle nota qu'entre l'onglet à l'échalote et l'araignée sauce moutarde, on proposait le merlan au poivre vert.

[douleurs]
Si seulement j'avais moins mal ... — vous avez des antalgiques ? — oui — vous en prenez souvent ? — non, jamais, je suis pas très médicament vous savez.

[lisboa]
La rue monte en pente raide, l'Alfama est silencieux, assoupi sous le cuisant soleil d'après-midi ; il s'arrête, essoufflé, pose son sac devenu lourd, soulève son galurin, essuie la sueur qui suinte sur ses sourcils ; d'une fenêtre aux persiennes entrouvertes quelques accords de guitare, une voix de femme chaude, puissante, pleure avec le sourire : fado.




1 commentaire:

maman a dit…

j'ai bien aimé "Lisboà", pour les douleurs j'ai cru entendre ton père, sache aussi que si bonne catholique qu'on soit on n'est plus astreinte à l'abstinence de viande que les vendredis de carême., la scène se passait-elle pendant les 40 jours précédant Pâques.A part cela, le temps est d'une tristesse qui correspond à mon état d'âme (cf égoïsme)