236 : électro mais pas trop

L'Ensemble Inter Contemporain nous a offert un concert de fin d'année vraiment passionnant.
Trois compositeurs nés dans la deuxième moitié du XXème siécle. Trois personnalités qui comptent dans le paysage musical contemporain. Trois œuvres écrites après l'an 2000.

L'italien Fausto Romitelli^ est mort trop jeune en 2004 : il avait 41 ans.
"Amok Koma" (2001) est écrit pour 9 instruments (flûte, clarinettes, piano, percussions, synthé et cordes) et une pincée d'électronique.
Successions d'attaques franches et de rythme soutenu et répétitif se dissolvant progressivement vers le calme avant de repartir vers de nouveaux paroxysmes. Des phrases parfois proches de la techno ou du rock dans leur tonalité et leur rythme mais de façon suffisamment subtile pour ne pas avoir l'air d'une simple récupération opportuniste. S'y joint une certaine couleur de musique populaire au bon sens du terme. L'électronique reste discrète, permettant résonances ou fusion de timbres, sans lourdeur. Cette pièce nous a beaucoup plu, elle m'a cependant paru un peu trop courte, juste le temps de s'imprégner de cet univers sonore intéressant et c'est déjà fini ...

L'allemand Matthias Pintscher^, 40 ans, a composé "Songs from Solomon's Garden" en 2009.
Le texte, chanté par un baryton, est extrait du Cantique des Cantiques. L'orchestre est de facture classique, (flûtes, bois, cuivres, percussions, piano, harpe et cordes). Le chanteur, au beau timbre chaleureux, dialogue avec l'orchestre.
Une musique absolument magnifique, très émouvante, qui aurait pu être bouleversante si on avait parlé couramment l'hébreu ! Hélas, aucun sur-titrage pour nous aider ce qui est difficilement compréhensible (problème de moyens financier ?) Lorsqu'une œuvre est écrite pour voix, comment peut-on croire qu'on ne perd rien à ne pas comprendre ce qui est dit, comment savoir si la musique est fusionnelle avec le texte ou si elle n'en est que le décor, ce qui n'est pas tout à fait la même chose ?
Malgré cette réserve qui n'est pas le fait du compositeur, c'est certainement la plus belle des œuvres que j'ai été voir cette année.

L'autrichienne Olga Neuwirth^ a 43 ans (encore une compositrice contemporaine : elles sont nombreuses et souvent passionnantes !)
"Construction in Space" a été créé en 2001 à l'occasion des 75 ans de Boulez pour un orchestre spacialisé. Le dédicataire et la compositrice étaient d'ailleurs présents ce soir.
Le chef est au centre du parterre et fait face à la scène. Celle-ci est occupée par un piano et un quatuor à corde (le 2ème violon est remplacé par une contrebasse). Un ensemble d'instrumentistes sur chaque balcon latéral (percussions, bois, flûtes et cuivres) et un 3ème ensemble sur le balcon arrière. Enfin, quatre solistes aux quatre coins du parterre (saxo, tuba, clarinette basse et flûte basse) dont deux étaient malheureusement invisibles depuis nos places. Et une électronique "en temps réel" qui transforme, mélange et distord les sons des instruments jusqu'à les rendre parfois méconnaissables.
Cette œuvre, assez monumentale par sa durée (45 mn) et son effectif, m'a laissé une impression mitigée. L'écriture purement instrumentale est franchement réussie, avec des attaques d'une violence impressionnante, un rythme parfois hallucinant et des structures répétitives sous influence techno. Les timbres sont profonds et variés, notamment pour toutes les parties solistes, de petites phrases musicales reviennent comme des leitmotifs. La spacialisation joue parfaitement son rôle de plénitude sonore dans un mouvement pluri-dimensionnel.
Mais ... des interludes électroniques profondément ennuyeux à mon goût : la musique instrumentale s'interrompt à intervalles réguliers et on écoute ces sons enregistrés tandis que le chef et l'orchestre restent inactifs comme dans le pire des concertos classiques quand le soliste joue son morceau de bravoure (mais ici c'est un ordinateur) ! C'est dommage : ces intermèdes me paraissent vraiment inintéressants et, sans eux, l'œuvre eut été moins longue donc encore plus intense.

C'est Matthias Pintscher lui-même qui dirigeait l'ensemble du concert, avec plaisir, efficacité et précision. Quant à l'EIC, il est toujours en pleine forme !

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