244 : palimpseste et mélodie

Deux points forts dans la programmation de ce concert : Ravel et Berio chantés par Nora Gubish^.
Mais d'autres œuvres instrumentales les encadraient.

Lu Wang^  est une compositrice chinoise de 30 ans, élève entre autres de Tristan Murail. Elle a composé "Siren Song" en 2008.
C'est une courte pièce très dynamique, pour une petite formation (flûtes et clarinettes, cor et trompette, cordes et piano, harpe et percussions).
Musique de film ? de cabaret ? bande son d'un Tex Avery ?
Après un premier moment d'interrogation perplexe, on finit par s'amuser franchement de cette courte pièce loufoque et rigolote au rythme déstabilisant ! Lu Wang, présente, fut applaudie avec enthousiasme.

Passons sans insister sur deux courtes pièces de Stravinski :"Huit miniatures instrumentales" et "Concertino pour douze instruments", pièces mineures dans la production de ce compositeur.

Maurice Ravel ensuite : "Trois poèmes de Mallarmé".
Ces trois courtes pièces sont suffisantes pour confirmer, s'il en était besoin, le génie de Ravel dans l'orchestration (même si l'ensemble instrumental est très réduit : flûtes, clarinettes, quatuor à corde et piano). Elles mettent aussi en évidence l'avant-gardisme du compositeur par l'originalité des timbres et des couleurs instrumentales.
Ces belles mélodies sont hélas un peu gâchées par une chanteuse à la voix chaleureuse mais à la diction incompréhensible ... alors qu'elle est tout ce qu'il y a de parisienne. On constate, et ce n'est pas la première fois, que les mélodies française sont souvent bien mieux chantées par des étrangères qui ont travaillé la diction, que par certaines françaises qui estiment ne pas avoir besoin de la travailler.
Et l'on confirme que la mélodie française n'a rien à envier au lied allemand.


En deuxième partie de soirée nous faisons la connaissance de Marc-André Dalbavie^,  compositeur français né en 1961 que nous n'avions pas encore eu la chance d'écouter. Voilà une nouvelle révélation !
"Palimpseste" composé en 2002 pour un ensemble instrumental à peu près identique au précédent est une courte pièce d'une grande richesse. Cette musique brasse des impressions multiples, ravéliennes, répétitives, minimalistes, spectrales, pour aboutir à quelque chose de différent, non seulement très beau mais très intéressant, notamment par ses timbres subtils et recherchés. Et, comme tout palimpseste qui se respecte, ce tissu contemporain se déchire ou s'efface par moment pour laisser transparaître quelques bribes d'une musique bien plus ancienne (un madrigal de Gesualdo en l'occurrence). Un auteur à réécouter avec attention.

Pour terminer, les "Folk Songs" de Luciano Berio.
Ils ont été composés en 1964 pour Cathy Berberian, sa femme, à partir de chansons populaires américaines, arménienne, sardes, siciliennes et auvergnates (comme l'avait fait Joseph Canteloube quelques décennies plus tôt).
Comme toujours chez Berio, l'orchestration (flûte, clarinette, harpe, alto, violoncelle et percussions) est d'une richesse magnifique et émouvante. Nora Gubish ne s'en sort pas mal mais elle n'a pas la gouaille de Cathy Berberian dont l'interprétation restera probablement inégalée.

ici le premier des folk songs : "black is the color"
vous en connaissez probablement l'air : prêtez attention à l'accompagnement

A noter le lien commun de toutes les œuvres jouées ce soir : un petit orchestre de chambre très proche de celui qu'inaugura Schoenberg pour son "Pierrot lunaire" (1912) et qui fut par la suite souvent utilisé par les compositeurs au cours du XXème siècle.

Les instrumentistes étaient des solistes de l'Ensemble Intercontemporain, dirigé cette fois par Alain Altinoglu, un chef un peu terne à mon goût.

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• sur Berio voir c'roch'notes1 n° 26, c'roch'notes2 n° 123 et 138
• sur Stravinski voir c'roch'notes1 n° 85,
c'roch'notes2 n° 110 et 198

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