265 : 3 sites, 3 sons

Concert "déambulatoire" à St Ouen, proposé par le compositeur Nicolas Frize.

Ce compositeur-acousticien s'intéresse particulièrement à l'environnement sonore en lien avec architecture et urbanisme et notamment à l'environnement sonore des lieux de travail (voir son site^). Cette "spécialité" intéressante mériterait d'être mieux connue et reconnue, notamment par ceux qui pensent la ville de demain.

"Déambulatoire" car ce programme comportait trois créations dans trois lieux différents de la ville.

Le public (concert gratuit !), beaucoup plus nombreux qu'on ne l'aurait cru pour ce genre de programme, était réparti en deux groupes.

Notre groupe avait rendez-vous à l'école, dans la petite salle des fêtes qui avait été débarrassée de ses chaises.
L'œuvre proposée faisait alterner parties vocales et instrumentales. Nous étions debout, les musiciens installés sur des estrades de part et d'autre du public.
Des parties vocales à huit chanteurs, très madrigalesque, mélange de dissonances à la Carlo Gesualdo et de suavité à la Arvo Pärt, donc plutôt de haut niveau. Les interventions instrumentales réunissaient un trombone, une trompette et un tuba aux belles sonorités. Donc ça commençait vraiment bien !

Nous nous rendons ensuite dans l'église, traversant les carrefours encadrés du cordon sanitaire de la police municipale, comme une manif : il y avait même des membres de la CGT de l'usine PSA ! En cours de route nous croisons l'autre groupe qui fait le chemin inverse.
A l'église, nous avons droit à une courte intervention de délégués syndicaux, inquiets à juste titre pour l'avenir de l'usine.

Cette deuxième partie du programme est très différente de la première. Nous sommes assis dans la nef, entourés par une demi douzaine de percussionnistes. Leurs instruments : des pièces détachées automobiles de différentes tailles, formes et timbres ! Avec les résonances de l'église et la spacialisation des musiciens, les sons tournent autour de nous, tour à tour cristallins et caverneux. Superbe musique concrète malheureusement gâchée par quelques intermèdes instrumentaux (une flûte et un violoncelle) mièvres et sans imagination. Dommage.

Nous repartons par les rues et rejoignons l'autre groupe devant l'entrée de l'usine PSA : ça fait du monde ! La troisième partie a lieu dans un vaste hangar tout en longueur, à gauche les gradins, à droite la scène. Cette fois les musiciens sont très nombreux : l'ensemble vocal Sequenza 9-3^ que nous avons entendu tout à l'heure, une dizaine d'instrumentistes dont plusieurs percussionnistes (les pièces automobiles sont suspendus à des portiques), un chœur d'une cinquantaine de chanteurs et des récitants qui sont des ouvriers de l'usine !
Cette partie est vaste et ambitieuse, assez prenante sur le plan musical, rappelant certaines œuvres "engagées" des années 60 (Nono et Berio notamment) ou encore le travail de Philippe Hersant^ avec les détenus de Clairvaux. Donc une musique ancrée dans la vraie vie. 
Malheureusement, et cela surprend de la part de ce compositeur,  l'acoustique du lieu n'est pas adaptée à l'ampleur de cette œuvre et les textes lus par les récitants sont pratiquement incompréhensibles ...

Nous terminons par une visite libre de l'usine, pour voir les robots et les machines-outils qui, sans relâche et dans un relatif silence, travaillent jour et nuit. Impressionnant ! Dire que d'ici une quinzaine d'années, toutes ces machines termineront elles aussi au chômage, remplacées par des imprimantes 3D qui n'émettront plus aucun son ...

3 commentaires:

Hélène LANTHIEZ a dit…

trop bien!!!
J'avais entendu à la radio une interview et un extrait des répétitions. et c'était vraiment intéressant.

Merci de nous faire partager en mots ces moments musicaux

roch a dit…

c'est cette émission qui a donné à Catherine l'idée d'y aller !

Xavi Lemerle a dit…

Musique et conscience sociale! C'est si joliment décrit que cela donne envie!